Les trois communautés Mi’gmaq de la Gaspésie ont uni leur voix pour signifier haut et fort qu’elles sont catégoriquement opposées à toute forme de fracturation et de stimulation chimique, qui pourraient être utilisées dans le cadre de développement pétrolier.
Dans une résolution adoptée lors de leur dernière rencontre, les Chefs Mi’gmaq de Gespeg, Listuguj et Gesgapegiag préviennent qu’ils entreprendront – au besoin – des actions ainsi que des recours juridiques. Le tout visant à interrompre de manière permanente toutes formes de travaux de fracturation et de stimulation chimique sur son territoire ancestral, et notamment sur la péninsule gaspésienne.
Nous ne ferons jamais de compromis quant au respect de nos droits
Manon Jeannotte, Cheffe de la Nation Mi’gmaq de Gespeg
« En vertu des droits ancestraux de la Nation Mi’gmaq, aucun projet d’exploitation des ressources ne peut avoir lieu sur notre territoire sans notre consentement libre, préalable et éclairé, explique Darcy Gray, Chef de la Nation Mi’gmaq de Listuguj et président du Secrétariat Mi’gmawei Mawiomi. Les gouvernements et les entreprises qui désirent exploiter les ressources ont l’obligation de nous consulter, ce qui n’a pas jamais été fait. »
Les Chefs rappellent du coup que la Nation Mi’gmaq possède des droits et titres sur son territoire ancestral, qui sont protégés par la Constitution canadienne et en vertu de la jurisprudence canadienne et du droit international, notamment de la Déclaration de l’ONU sur les droits des peuples autochtones. Ces droits sont soumis à une revendication territoriale depuis 2007 en vue de négocier un traité moderne.
Anticosti et Haldimand
En mai, on indiquait que la société Hydrocarbures Anticosti, gérée par Pétrolia, reportait à 2017 ses travaux de fracturation hydraulique sur l’Île d’Anticosti. Travaux qui ont été autorisés par le ministère de l’Environnement. Quelques mois plus tard, en septembre, on apprenait que la stimulation chimique et la fracturation hydraulique n’étaient pas exclues aux puits Haldimand #1 et #2, dans le secteur de Gaspé.
Les communautés Mi’gmaq réitèrent que le gouvernement a émis ces permis d’exploration sans jamais les avoir préalablement consultés.
« Nous ne sommes pas contre le développement économique, mais nous considérons que les risques associés à la fracturation et à la stimulation chimique sont trop grands et potentiellement nocifs pour les cours d’eaux de notre territoire. Nous ne ferons jamais de compromis quant au respect de nos droits, à la santé de nos membres et à l’exploitation des ressources faites en harmonie avec la protection de l’environnement. Nous avons le devoir de protéger notre territoire et ses ressources », indique Manon Jeannotte, Cheffe de la Nation Mi’gmaq de Gespeg.
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Rappelons que le territoire ancestral Mi’gmaq couvre notamment les portions nord et centrale du Nouveau-Brunswick, ainsi que la péninsule gaspésienne au Québec, incluant l’Île d’Anticosti.
Question de droit
Les communautés Mi’gmaq de la Gaspésie ont profité de l’occasion pour inviter les premiers ministres Justin Trudeau et Philippe Couillard à respecter leurs obligations légales. Pour le moment, les principales activités existantes d’exploration pétrolière et gazière au Québec se situent dans le territoire traditionnel du Gespe’gewa’gi (voir photo). On rappelle que les décisions de prospecter sont en contravention de l’obligation de consulter les Autochtones.
Depuis les instructions et directives émises par la Cour Suprême du Canada en 2004, la Couronne a l’obligation constitutionnelle de consulter – et même en certaines circonstances – d’accommoder les Premières Nations lorsque des projets ont lieu sur leur territoire.
Rappelons aussi qu’en 1999, l’arrêt Marshall a confirmé que les Mi’gmaq avaient signé des traités avec la Couronne, de nation à nation, qui leur donnaient des droits privilégiés pour la pêche de subsistance sur leur territoire. Un peu plus tôt, en 1990, le jugement Sparrow définissait ce qu’était un droit ancestral selon l’article 35 de la Constitution canadienne, affirmant que le pouvoir du fédéral doit être concilié avec l’obligation fédérale et que la meilleure façon d’y parvenir est d’exiger la justification de tout règlement gouvernemental qui porte atteinte aux droits ancestraux.
Si une activité gouvernementale risque de mettre en péril tout ce droit rattaché à l’utilisation des eaux, un argument pourrait être livré devant les tribunaux par les Mi’gmaq pour dire qu’il s’agit d’un empiètement sur leurs droits constitutionnels. Mais avant d’en arriver à ce point, on espère qu’un vrai dialogue sera ouvert et que des consultations se fassent.
« Ce matin c’est une façon de se faire entendre. On va voir comment ça va se dérouler et voir si on va avoir une réponse positive. Ensuite, on pourrait passer à un niveau supérieur avec un jugement déclaratoire ou une injonction », indique la Cheffe Manon Jeannotte. Cette dernière n’exclut pas la désobéissance civile, mais espère ne peut en arriver à ce point.
À noter que le Chef Jean-Charles Piétacho, de la Communauté Innue d’Ekuanitshit, et le Grand Chef Jacques Tremblay, de la Nation Malécite de Viger, étaient aussi présents à la conférence de presse. Ces derniers sont venus respectivement de la Côte-Nord et du Bas-Saint-Laurent pour appuyer et soutenir les communautés Mi’gmaq dans leur démarche.
Un dossier qui risque de soulever des vagues.