Le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) sort ses griffes et lance une campagne vitriolique de cartes postales pour dénoncer le pacte fiscal conclu en septembre dernier entre le gouvernement du Québec et les municipalités.

En vertu de cette entente, le gouvernement prévoit accorder aux villes le pouvoir de décréter les conditions de travail de leurs employés en cas de négociations infructueuses pour le renouvellement des conventions collectives.

La collection de cartes — affublées du titre «Les pas fiables» — associe les maires Denis Coderre, Régis Labeaume et Jean Tremblay à d’ex-maires de municipalités québécoises comme Gilles Vaillancourt et Richard Marcotte qui ont été formellement accusés de fraude et de corruption.

«On comprend qu’ils ne sont pas tous au même niveau», convient le directeur québécois du SCFP, Marc Ranger. «Mais la fiabilité s’apprécie à différents niveaux, pas juste au niveau criminel», enchaîne-t-il.

En tout, 12 maires et ex-maires sont pointés du doigt. Huit d’entre eux ont été traînés devant les tribunaux. Sur chaque carte se trouve la photo d’un élu accompagnée d’un pedigree peu reluisant.

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Ainsi, sur la carte de l’ex-maire de Montréal Michael Applebaum on peut lire «Accusé: complot, fraude et abus de confiance», sur celle de l’ex-mairesse de Maria Nathalie Normandeau se trouve l’inscription «Accusée: complot, corruption, fraude et abus de confiance» et sur celle de l’ex-mairesse de Boisbriand Sylvie Berniquez St-Jean est plaquée la mention «Coupable: corruption, fraude et abus de confiance».

Des cartes à l’effigie de l’ex-maire de Laval Gilles Vaillancourt, de l’ex-maire de Boisbriand Robert Poirier, de l’ex-maire de Mascouche Richard Marcotte, de l’ex-maire d’Outremont Stéphane Harbour et de l’ex-maire de Saint-Léonard Frank Zampino — qui ont tous eu des démêlés avec la justice — ont également été imprimées.

Quatre autres politiciens municipaux — qui ne font face à aucune accusation criminelle — sont également pris à partie. Sur la carte du maire de Montréal, Denis Coderre, est inscrit «Spécialités: destruction de biens et octroi de contrats aux amis», et sur celle de Régis Labeaume est écrit «Spécialités: négociation de mauvaise foi et ingérence dans les affaires syndicales».

Le maire de Saguenay, Jean Tremblay, et l’ex-maire de l’Assomption Jean-Claude Gingras sont également blâmés, notamment pour «congédiement abusif».

Marc Ranger indique que l’objectif de cette campagne est de dénoncer les pouvoirs «abusifs» et «antidémocratiques» que le gouvernement du Québec s’apprête à octroyer aux municipalités. Selon lui, «on ne peut faire aveuglément confiance» à ces maires, puisque certains d’entre eux «ont fait preuve d’un manque flagrant d’éthique» ou de «non-respect des lois».

Le SCFP — qui représente 72 pour cent des employés municipaux au Québec avec 31 600 membres — a rencontré à la fin mars le nouveau ministre des Affaires municipales, Martin Coiteux, pour discuter du projet de loi.

Celui-ci aurait déclaré aux représentants syndicaux qu’il souhaitait «prendre son temps». Mais même si le gouvernement Couillard devait renoncer à offrir aux maires le pouvoir de décréter les conditions de travail de leurs employés, de peur que la loi échoue le test des tribunaux, Marc Ranger dit craindre que «le plan B (de Québec) soit tout aussi dommageable que son plan A».

«Si son plan B, c’est un arbitrage forcé avec des pouvoirs extrêmement restreints qui fait en sorte qu’il n’y a pas de négociation, c’est tout aussi inacceptable pour nous autres», précise-t-il.

En disant vouloir rétablir le rapport de forces, Québec pourrait le déséquilibrer totalement en faveur des municipalités, résume M. Ranger, qui laisse entendre que le SCFP prévoit une escalade des moyens de pression au cours des prochaines semaines pour faire fléchir le gouvernement. (Magdaline Boutros, La Presse Canadienne)