L’an dernier à pareille date, alors que j’en étais à mes débuts à la Société Alzheimer, je vous partageais une lettre fictive adressée à la maladie d’Alzheimer qui avait choisi sournoisement de s’attaquer à ma grande amie d’enfance. Cette année, je délaisse la fiction pour vous parler d’une femme et d’un homme de notre MRC qui, pour des raisons bien différentes, méritent notre attention.
Au printemps dernier, j’ai fait la connaissance de Mme Jeannine Duchesne en allant faire des activités de stimulation à la ressource intermédiaire Aux Beaux Souvenirs, où elle était hébergée. Je dois vous dire que malgré mon aisance en public et ma longue expérience à parler avec des gens de tous âges, j’étais plutôt petite dans mes souliers. En effet, entrer dans cet univers particulier, entourée de gens vivant avec une forme de démence, comporte un défi majeur de communication et d’authenticité.
Et voilà que Mme Duchesne, visite après visite, sans me reconnaître d’une fois à l’autre, m’a ouvert les bras et m’a accueillie avec son large sourire et sa bonne humeur proverbiale. Grande, mince, énergique malgré son âge et la maladie, constamment en mouvement, elle a toujours accepté avec enthousiasme de participer aux activités que je lui proposais. Elle aimait chanter, danser, jouer aux cartes, faire des casse-têtes, caresser petits et gros chiens, mais surtout elle affectionnait particulièrement les câlins. Son besoin d’affection pouvait parfois déranger d’autres résidents prisant moins les contacts physiques. Alors penaude, elle se reculait, étonnée, mais trouvait vite quelqu’un d’autre avec qui établir un lien.
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Je suis redevable à Mme Duchesne pour tout ce qu’elle m’a appris. Pour son accueil qui m’a donné le goût de retourner à cette résidence, pour son enthousiasme qui m’a donné l’audace d’essayer des activités différentes par exemple amener mes deux poules pour une petite visite… Avec Mme Jeannine, comme j’aimais l’appeler, j’ai fait l’apprentissage d’être dans le moment présent, de communiquer moins avec les mots et plus avec les gestes et le regard. J’ai clairement ressenti à son contact qu’elle m’aimait, et cela sans me connaître. La gratuité de son affection avait quelque chose de bien particulier…
Je parle au passé parce que Mme Jeannine est décédée en novembre dernier. La dernière fois que je l’ai vue, soit quelques jours avant son décès, elle ne parlait plus, mais elle m’adressait un clin d’œil pour chacun de ceux que je lui faisais. Coquine jusqu’à la fin! À ses funérailles, sa famille lui a rendu hommage et j’ai pu alors imaginer Mme Jeannine avant que la maladie d’Alzheimer ne vienne la limiter.
Depuis mon arrivée à la SAGIM, je prône le respect des gens atteints de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée. Je martèle qu’il faut les traiter avec dignité tout simplement parce qu’ils sont ENCORE LÀ! Malgré leurs limitations souvent très sévères, ces personnes ont des capacités et peuvent nous apprendre bien des choses sur nous-mêmes et la vie. Ce fut le cas de Mme Jeannine envers qui j’ai une profonde gratitude. Elle mérite une place de choix dans notre cœur et notre mémoire collective. Et pour la cause, je la déclare Présidente d’honneur du mois de la sensibilisation pour la maladie d’Alzheimer, version 2016!
Et là, après avoir fait connaissance avec notre dame de cœur et présidente d’honneur, vous vous demandez qui est notre homme de tête? Vous devrez patienter, le mois de janvier ne fait que commencer… La suite, dans une semaine ou deux…
Suzanne Bourget, intervenante, MRC Rocher-Percé.
Société Alzheimer de la Gaspésie/Îles-de-la-Madeleine (SAGIM)