DOSSIER. Comment le Black Friday est-il devenu le Vendredi fou au Québec ? Pourquoi parle-t-on aujourd’hui de gaz de schiste au lieu des gaz de shale ?
C’est l’Office québécois de la langue française qui est derrière tout ça.
«C’est une chaîne de magasins qui avait communiqué avec l’Office pour voir comment on pourrait franciser l’appellation Black Friday, explique son porte-parole, Jean-Pierre Le Blanc. Nos linguistes se sont penchés sur la question et ont proposé Vendredi fou. La chaîne l’a utilisé dans ses campagnes et nous avons soumis la proposition aux journalistes et aux médias. L’expression s’est propagée depuis.»
L’Office de la langue française n’est pas le gros méchant loup qu’on pourrait croire. Bien que son rôle soit de protéger l’utilisation du français au Québec, notamment par le respect de la charte de la langue, elle se dit ouverte aux bonnes idées.
«En juin 2015 nous avions été contactés par un journaliste de l’Actualité pour franciser cinq termes très technologiques. Il avait fait participer les lecteurs et nous avions reçu plusieurs propositions. C’est certain que les terminologues et linguistes vont valider l’étymologie, mais il y a une grande ouverture», de dire M. Le Blanc.
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Si le mot qu’on propose vient à faire partie du langage courant des gens, c’est là qu’on va voir si on a bien fait notre travail
Jean-Pierre Le Blanc
La population a le dernier mot
Mais c’est la population qui a le fin mot de l’histoire quand l’organisme recommande de nouveaux termes. «Plus récemment nous avons travaillé sur l’expression fat bike, un style de vélo de plus en plus populaire. Nos linguistes ont émis une proposition de le remplacer ici par VPS (Vélo à Pneus Surdimensionnés). Guy Bertrand en a parlé dans ses chroniques à Radio-Canada. Si le mot qu’on propose vient à faire partie du langage courant des gens, c’est là qu’on va voir si on a bien fait notre travail. Sinon, on peut se réajuster et faire d’autres propositions.»
Avoir beaucoup de boulot éloigne le chômage, veut l’adage populaire. Si c’est le cas, les gens à l’Office n’ont pas de souci à se faire. «Ces dernières années avec l’explosion du web, des médias sociaux et des technologies, on travaille presque chaque jour sur de nouveaux termes, en collaboration avec la France, la Belgique et la Suisse. La société évolue rapidement et de façon continue. Ce n’est pas le travail qui manque», soutient le porte-parole.
Quelques créations québécoises
Plusieurs mots ont été inventés par l’Office québécois de la langue française pour éviter l’utilisation de mots anglais ou encore pour refléter de nouvelles réalités. En voici quelques exemples avec leur année de création:
– Courriel 1997 (e-mail)
– Décrocheur 1982 (drop-out)
– Dépanneur 1983 (convenience store)
– Gicleur 1992 (sprinkler)
– Téléavertisseur 1996 (bellboy ou pagette)
– Cégep, cégépien, cégépienne (1982)
– Polyvalente (1982)
– Pourvoirie (1995)
(Source: Le vif désir de durer, Marie-Éva de Villers, 2005, Québec-Amérique)
L’Office épié partout dans le monde
Deux outils majeurs de référence sont disponibles sur le site web de l’Office soit le Grand dictionnaire terminologique et la Banque de dépannage linguistique. Si les Québécois en sont les plus grands utilisateurs, certains lecteurs proviennent des autres provinces canadiennes, des États-Unis et de l’Europe, notamment la France et l’Espagne. D’ailleurs, certains termes créés au Québec, comme courriel et clavardage, sont aussi utilisés dans différents pays de la francophonie. «Nous sommes très fiers et heureux de voir l’utilisation de notre site dans le reste du monde», souligne Jean-Pierre Le Blanc, directeur des communications de l’organisme.
La normalisation
En plus de son rôle de recommandation, l’Office a aussi le mandat de rendre certains mots obligatoires, on parle alors de normalisation. Par exemple, en 2011, l’organisme a pris la décision de normaliser gaz de schiste (au lieu de gaz de shale, qui est l’expression anglophone). La normalisation d’un terme rend son usage obligatoire. Il est d’abord approuvé par un comité d’experts, puis par les membres de l’Office. La normalisation peut devenir nécessaire pour éviter les ambiguïtés en matière de sécurité publique, de signalisation routière, dans les affichages publics ou encore dans l’identification des appareils électriques.
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