DOSSIER. Chaque année, les parents d’une centaine d’enfants morts à la naissance ou peu de temps après ne réclament pas leur rejeton, révèlent des données analysées par TC Media.
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En 2014, 110 corps de bébés, mort-nés ou n’ayant survécu que quelques heures n’ont pas été réclamés par leurs parents. Si ce nombre était relativement stable au cours des neuf dernières années, c’est en 2014 qu’il y en a eu le moins. L’an 2011 détient toutefois le triste record avec 167 petits corps non réclamés. Ces données sont tirées du rapport annuel de Don de corps aux institutions d’enseignement et disposition des corps non réclamés, réalisé par l’Agence de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale et le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).
[Quand ça se produit] les parents sont sous le choc. Ils veulent passer à autre chose, oublier. Mais on n’oublie pas.
Francine De Montigny, professeure titulaire à l’Université du Québec en Outaouais.
«Je suis un peu surprise. Je m’attendais à plus, mais en même temps, je suis soulagée», réagit Francine De Montigny, professeure titulaire en sciences infirmières à l’Université du Québec en Outaouais. Elle précise qu’il y a environ 1 400 mort-nés chaque année au Québec. Environ 10% d’entre eux sont délaissés par leurs parents. «Il n’y a pas d’enfants dont le corps est non réclamé», indique Noémie Vanheuverzwijn, porte-parole du MSSS.
Émotion et finance
Mme Vanheuverzwijn précise que le ministère ne connaît pas les raisons exactes de ce phénomène. «Il est permis de présumer qu’il s’agit, dans certains cas, d’une question financière ou émotionnelle», ajoute-t-elle. Ce que ne nie pas Francine De Montigny, qui se spécialise dans le deuil périnatal. «Quand on est enceinte, on ne pense pas à perdre son bébé. Ce n’est pas comme une personne âgée où on a le temps d’avoir des discussions. En dedans de quelques heures, toute la vie bascule», indique-t-elle.
L’hôpital offre alors aux parents endeuillés de disposer du corps du petit être. «Ils sont pris émotionnellement et par manque de ressources financières –ça coûte cher des funérailles-, ils vont le laisser à l’hôpital. Cela va se jouer par manque d’informations. L’hôpital devient la solution la plus simple», avance la chercheuse boursière du Fonds de recherche pour la santé du Québec. Elle fait savoir que plusieurs maisons funéraires offrent des services gratuits ou à faible coût pour les enfants.
Francine De Montigny précise que les centres hospitaliers doivent aider les couples qui perdent un bébé. «Je les inviterais à s’informer sur les ressources qui existent dans leur région pour les donner aux parents.» L’Association québécoise des parents vivant un deuil périnatal offre des services aux parents orphelins.
Importance du rite
Mme De Montigny invite les parents vivant cette triste réalité à tenir une cérémonie funéraire. «C’est un temps d’arrêt. La famille se rassemble et réalise l’ampleur de la perte. C’est le temps de reconnaître toute la place que le bébé prenait dans la vie des parents. C’est réconfortant parce qu’il n’est pas juste dans la tête, ajoute-t-elle. Cela va jouer un rôle sur le soutien des proches. Le bébé est concret.» Aucun parent qu’elle a rencontré n’a regretté d’avoir tenu un rituel. «Mais la majorité des gens qui ne l’ont pas fait le regrette», confie-t-elle.
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