En outre, les délais de vente se sont allongés en 2015. Une unifamiliale se vendait en 117 jours, une copropriété, en 135 jours et un « plex » de 2 à 5 logements, en 104 jours, en 2014. L’année suivante, on a observé des hausses de 6, 5 et 5 jours pour chaque type de propriété énoncé précédemment.
Quant aux mises en chantier, elles étaient en recul en 2015, selon la Société canadienne d’hypothèque et de logement [SCHL]. Selon les prévisions de l’organisme fédéral, la construction devrait connaître une légère croissance en 2016 et 2017, mais toujours sous les niveaux observés entre 2009 et 2014.
Le locatif sauve la mise
En 2015, rapporte la FCIQ, les mises en chantier totales au Québec ont reculé de 1 %. Mais dans ce cas précis, le diable est dans les détails. Alors que la construction d’unifamiliales a reculé de -12 %, les nouvelles copropriétés ont chuté de -32 %. Au final, c’est la construction de logements locatifs qui a sauvé la mise, avec une hausse prononcée de 58 %.
« Nous avons été franchement surpris du nombre de construction d’appartements locatifs, notamment à Québec, confie Kevin Hughes, économiste principal, région du Québec, à la SCHL. Cette poussée de croissance, nous ne n’y attendions pas, d’autant plus que le taux d’inoccupation est en hausse. »
Pour l’expert québécois de la SCHL, il est clair que c’est la conjoncture économique actuelle qui explique la molesse relative du marché immobilier résidentiel de la province. « Nous pensions que la faiblesse du dollar canadien favoriserait les exportations du Québec et de l’Ontario; que le taux de change, couplé à la relance américaine, allait stimuler notre économie et créer des emplois. Nous n’avons pas constaté ce résultat jusqu’à présent. Pour la demande en habitation, l’emploi est un facteur clé. Comme le taux de chômage et la démographie. »
Le PIB canadien devrait croître entre 1,1 % et 1,5 % en 2016 et entre 1,3 % et 1,9 % en 2017, estime la SCHL. Ce qui « apportera un certain stimulus à la demande. […] Le marché de la revente va se resserrer quelque peu et les prix demeureront soutenus ».
Si l’accès à la propriété a encore la cote, estime Sébastien Jean, « le niveau d’endettement des ménages est peut-être trop élevé. La faiblesse des taux hypothécaires a sans doute encouragé les gens à dépenser [pour acheter des résidences]. Est-ce que, si le portefeuille des familles se resserre, les ventes, donc l’offre, augmenteront ? Nous sommes dans l’expectative. Mais une chose est sûre, ce n’est pas le moment de se lancer dans une nouvelle offre à outrance. Mais bon, la dynamique du marché immobilier est très complexe ».
Rebond à Montréal, Gatineau et Sherbrooke
Il y a toutefois bel et bien une reprise de la croissance des ventes au début 2016, selon les données colligées par JLR Solutions Foncières. Selon ce qu’a rapporté Joanie Fontaine, les ventes de résidences unifamiliales ont progressé de 4 % et les ventes de copropriétés, de 20 % en février 2016, comparé au même mois l’an dernier.
Mais avant de parler de hausse ou de reprise, il faut faire bien attention. « C’est tout nouveau, cette “reprise”, explique Mme Fontaine. C’est vraiment lorsque nous aurons obtenu les données au printemps prochain que l’on pourra confirmer, ou infirmer, cette hypothèse. Et s’il y a des hausses de ventes à Montréal, le reste du Québec est très différent ».
Le clivage entre Montréal – et Gatineau, dans une moindre mesure – et le reste du Québec, se creuse. Et pour l’heure, en règle générale, les acheteurs ont encore l’avantage sur les vendeurs.
« Le rebond du marché [du début 2016] est beaucoup plus marqué du côté de Montréal, remarque Paul Cardinal, directeur du service analyse du marché pour la FCIQ. Gatineau a bien fait aussi : là-bas, ça faisait cinq ans qu’on observait une baisse d’activité, probablement à cause des suppressions de postes dans la fonction publique fédérale. Mais cette époque-là semble révolue. Cela dit, ailleurs au Québec, on reste beaucoup plus dans des marchés “d’acheteurs”, dans la stabilité. Notamment sur le plan des prix. »
Dans le Grand Montréal, de Saint-Jérôme à Saint-Bruno-de-Montarville, le marché de la copropriété semble enfin se stabiliser. Si le délai de vente est assez long, il fallait en moyenne 130 jours au dernier trimestre de 2015 pour trouver preneur, les prix ont quant à eux augmentés de 3 % en 2015. Par ailleurs, les mises en chantier ont nettement diminué, « un repli significatif », constate M. Cardinal, de -25 % pour les copropriétés à Montréal.
Enfin, la frénésie « condo » qui a tant fait jaser semble s’estomper peu à peu.
Du côté des résidences unifamiliales, « les prix vont bien, et les ventes aussi remarque l’expert, qui ajoute, au sujet des “plex”, que les gens se les arrachent toujours autant. C’est bien simple, il ne s’en construit plus, ils sont situés dans les quartiers centraux, et certains disparaissent au profit de nouvelles copropriétés. Ça crée un effet de rareté ».
Sherbrooke aussi fait bien au niveau des ventes, avec une augmentation de 5 % au quatrième trimestre de 2015. Par contre, le stock y est en hausse, avec 6 % de nouvelles inscriptions.
Le reste du Québec en baisse
Fait intéressant, le problème dans la surenchère de nouvelles copropriétés s’est déplacé vers l’est, s’atténuant à Montréal pour s’installer à Québec. Et dans son ensemble, le marché immobilier de la Capitale-Nationale est plutôt maussade. Au dernier trimestre de 2015, les ventes d’unifamiliales ont reculé de -1 %, et de -12 % pour les « condos ».
« Alors que tout le monde parle du nombre de copropriétés à Montréal, [le problème] est beaucoup plus intense à Québec, soutient Paul Cardinal. Là-bas, c’est clairement à l’avantage des acheteurs, et les promoteurs vont loin dans leurs mises en marché : “achetez cette unité et courrez la chance de gagner un voyage !” ou “nous payons les frais de notaire”, etc. Ce n’est pas un problème de demande, c’est qu’il y a eu trop d’offre. »
La Ville de Québec est aussi la seule grande municipalité canadienne à être signalée comme affichant des signes élevés de surévaluation, en octobre 2015 aussi bien qu’en janvier 2016, selon un rapport de la SCHL.
« C’est à surveiller, affirme Kevin Hughes, économiste principal, région du Québec, pour l’organisme. Mais ça s’explique aussi par les changements structurels de l’emploi dans la capitale provinciale. Ce sont des emplois bien rémunérés, lance-t-il, se faisant rassurant. Peut-être que les prix sont en phase avec les fondamentaux de l’économie. »
Deux autres marchés importants affichent des signes de morosité au Québec. En premier lieu, Saguenay, où l’immobilier résidentiel semble en chute libre au dernier trimestre de 2015, avec des ventes en recul de -9 %. Trois-Rivières a quant à elle subi une baisse de ventes de -4 % pour la période.
« Le grand Montréal versus le reste du Québec, ce sont deux marchés très différents. Ils ne sont pas affectés par les mêmes facteurs. Et ces marchés hors Montréal ont des difficultés démographiques, la population ne croit pas : peu de jeunes ménages s’y installent et beaucoup quittent », observe Joanie Fontaine, de JLR Solutions Foncières.
Si les marchés immobiliers québécois ne se ressemblent pas, le Québec en entier est pourtant bel et bien entré dans une phase de quiétude, une phase d’atterrissage en douceur, s’entendent les experts. Les prix augmenteront doucement, les délais de vente aussi. Peu à peu, le stock se résorbe.