Cliché de la famille Kavanagh, Cap-des-Rosiers, pré-1970.
Crédit photo : Cliché de la famille Kavanagh, Cap-des-Rosiers, pré-1970 publié sur le site érudit
En regard du reportage « Des Gaspésiens se mobilisent pour rapatrier les objets des expropriés du parc Forillon », diffusé le 18 mars par Ici Radio-Canada, il s’y trouve certains accrocs à l’histoire de ces objets qui méritent d’être rectifiés.
Corriger certains accrocs à l’histoire
Les Gaspésiens ont raison – et ils ont mon appui – de s’opposer au transfert de cette collection d’objets de Québec à Gatineau et de vouloir rapatrier ces artéfacts en Gaspésie, soit au Musée de la Gaspésie ou dans d’autre musées ou sites patrimoniaux de la région, ce qui d’ailleurs à l’origine était l’intention de Parcs Canada.
Toutefois, certains propos entendus dans ce reportage manquent de nuances. Contrairement à ce qui a été mentionné quand on parle des « artéfacts de Forillon » ou de la « collection de Forillon », ces artefacts ne viennent pas tous de Forillon et des expropriés et ils n’ont pas tous été acquis au moment de l’expropriation. De fait, les objets de cette collection proviennent pour une certaine part d’un peu partout en Gaspésie et ils ont été achetés après l’expropriation de 1971-1972 par Parcs Canada en vue de les mettre en valeur à Forillon dans le cadre d’un projet d’aménager un site historique animé à Grande-Grave, projet qui fut abandonnée en 1978.
J’en parle en connaissance de cause puisqu’en 1977-78, je travaillais pour Parcs Canada à Québec sur ce projet. Je suis loin de vouloir prendre la défense de Parcs Canada, mais il faut savoir aussi qu’au moment de l’expropriation, si les expropriés étaient tenus de laisser dans leur maison les objets fixes, ils pouvaient emporter avec eux leurs meubles. Aussi, plusieurs expropriés ont laissé sans contraintes ou donné à Parcs Canada des objets. Il y a même eu à l’été 1971 un encan organisé par un exproprié pour y vendre des meubles et objets. Comme on peut voir, tout en histoire n’est pas blanc et tout n’est pas noir! N’oublions pas qu’à cette époque, il y a dans le secteur de Gaspé une grande effervescence patrimoniale du fait que le Musée de la Gaspésie est en gestation et que son premier directeur, Tadeusz Chowjka (1975-1978), est accueilli à bras ouverts par les Gaspésiens qui sont fiers de confier leurs objets au futur Musée, inauguré en 1977. Il y a donc à ce moment une course aux artéfacts menée tant par le Musée que Parcs Canada.
Hommage à Richard Gauthier
Cette collection, dite de Forillon, qui regrouperait environ 3 400 objets méritent certes de revenir en Gaspésie et mérite aussi qu’on se souvienne et qu’on rende hommage à celui qui a recueilli ces objets. Il s’agit d’un Gaspésien, Richard Gauthier, un ethnologue et grand spécialiste en culture matérielle qui, dans les années 1970-1990, en tant que conservateur de Parcs Canada à Québec, a acquis ces objets dans le but de les préserver et de les mettre en valeur, ce qui, concernant la mise en valeur, n’a malheureusement pas pu se faire.
J’étais directeur du Musée de la Gaspésie à cette époque (début des années 1980) et Richard venait me saluer quand il venait acheter des objets tant dans le secteur de Gaspé qu’ailleurs dans sa Gaspésie qu’il connaissait bien. Comme directeur du Musée de la Gaspésie, j’étais désolé de voir partir de la région des éléments de notre patrimoine, mais comme le Musée n’avait pas à cette époque de budget d’acquisition, je me disais qu’au moins ces objets seraient bien préserver et mis en valeur un jour en Gaspésie. C’est pourquoi, j’encourage le Musée aujourd’hui dans son projet de rapatrier dans la région ce patrimoine venant non seulement de Forillon, mais également de la Gaspésie.
Jean-Marie Fallu, historien, ex-employé de Parcs Canada et ex-directeur du Musée de la Gaspésie.